vendredi 24 septembre 2010

mercredi 8 septembre 2010

Les fouilles du Mans printemps été 2009

Les fouilles de sauvetage au Quinconce des Jacobins de la partie des vendéenne du site sont finies depuis mi-août. Nous remercions Pierre Chevet, responsable au Mans de l'INRAP (institut national de recherches archéologiques préventives), et Elodie Cabot, archéologue et anthropologue, ainsi que Michel Signoli, anthropologue de nous avoir permis de suivre leurs découvertes.
Qu'espèrent les anthropologues de ces fouilles? Voici la réponse d’Elodie Cabot :
" Grâce à l'étude des tombes et des défunts, nous pouvons restituer une part du monde des vivants de l'époque. Nous pouvons en apprendre beaucoup : comment ils ont vécu, de quoi ils ont souffert et, parfois, de quoi ils sont morts. C’est le cas ici au Mans où il s'agit majoritairement de mort violente Après les affrontements, la population mancelle a dû se débrouiller toute seule et trouver des solutions rapides pour faire disparaître les corps. A l'époque, on avait très peur des épidémies.L'aspect social a autant d'importance que l'aspect évènementiel. En étudiant de très nombreux corps, on prend "une photographie de la société française de la fin du XVIIIe siècle.

Neuf fosses étaient présentes dans la zone fouillée, à l’emplacement du futur Espace culturel décidé par la municipalité du Mans. Elles étaient situées à 50 ou 60 centimètres de profondeur. Les neufs charniers fouillés ont maintenant disparus sur le quinconce des Jacobins
160 corps ont été retrouvés et examinés. Ils sont désormais stockés au Centre de recherche archéologique de l'INRAP (Institut de Recherche Archéologique Préventive) du Mans.
Qui étaient-ils? La moitié sont des squelettes d'hommes ; 30 à 40% des adultes sont des femmes ; une femme enceinte d'un fœtus de sept à huit mois a été découverte ainsi qu’un enfant de deux à trois ans. L'enfant a été retrouvé dans une fosse qui regroupait dix-sept femmes et deux autres corps sans doute aussi féminins. Il existe des fosses remplis exclusivement d'hommes. Les femmes ont sans doute été sabrées sur le crâne, d’en haut, peut-être par des cavaliers juchés sur leur cheval. Les hommes ont plutôt été tué par des armes à feu. Deux boulets ont été trouvés au milieu des corps, ainsi que de la mitraille sur les os et dans les fosses, et des balles en plomb. Des victimes à l'arme blanche sont atteintes aux membres, bras et membres inférieurs. D'autres ont le crâne fracassé. " Des coup pour tuer, souvent au sabre, même si les tranchants et les largeurs de lame sont très variables. Les corps ne semblent pas systématiquement dépouillés ; on a retrouvé aussi des chapelets, médailles et boutons. Il est possible que les plaies sanguinolentes et béantes aient rendu les vêtements irrécupérables. Il est à noter que les archéologues ont relevé un nombre important et inhabituel, pour un population de cette époque, de caries dentaires tant chez les plus jeunes que chez les adultes. Voilà pour les premières conclusions provisoires.
Pour l'instant, nous devons encore attendre les études spécialisées et détaillées qui vont compléter les premières constatations sur le terrain. Les corps ont été déplacés alors que la " raideur cadavérique" était passée. Cette raideur, bien connue des médecins légistes, s'installe en une heure environ et fige pendant vingt-quatre heures le cadavre dans la position où il se trouve après sa mort. Dans les fosses du Mans, les cadavres ont été allongés, soit tenus par les pieds ou les mains, soit tirés par les membres, face tantôt vers le ciel, tantôt vers la terre. Certains remplissent au milieu l'espace restant en borde de la fosse. De la chaux vive a été jetée soit dans la fosse, soit sur la fosse si bien qu'on en retire de gros blocs. C'était une méthode conseillée par les hygiénistes pour lutter contre les épidémies. Cette chaux a l'inconvénient pour les archéoloques de s'attaquer aux restes humains ainsi traités.
Qu’en est-il des autres corps? En effet il est probable que sur les milliers de morts, lors du passage des Vendéens au Mans, environ deux mille reposent aux Jacobins. Beaucoup vont être épargnés par le nouveau bâtiment et son terrassement. Cependant sur les 9 000 m² de l'emprise du futur espace culturel seuls 3 000 m² ont été fouillés en 2009 et 2010. Il ya donc un risque potentiel de voir des corps emportés sans autre forme de respect. Une lettre a été adressée en ce sens au maire du Mans, dont nous attendons la réponse. De leur côté les archéologues sont attentifs à de la suite qui sera donnée à cette première campagne de fouilles. Car ils sont passionnés par le sujet. Tout devrait se préciser dans les jours ou semaines qui viennent.
D'ici la fin de l’année 2010, l'INRAP va établir un bilan et sans doute le publier, étant donné l'intérêt général et l'importance de cette fouille de sauvetage au Mans.
Quel sera le devenir des restes humains et des découvertes ? L'association Le Mans Virée de Galerne propose un musée rue Lionel Royer dans une chapelle sans affectation actuelle, qui fait partie d'un immeuble ancien que rénove la Foncière Lelièvre à 2 ou 300 m du jardin. Ce musée pourrait recevoir un ossuaire provisoire d'aprés linterview de Cécile Bayle de Jessé par Jacques Guichard le Maine Libre du 17 juillet 2010. En 2008, le maire du Mans avait émis la possibilité d’une inhumation des restes au cimetière de l'Ouest, de l'autre côté de la Sarthe, à environ 1 km du site. Pour toutes les personnes contactées depuis à ce sujet, la solution la plus convenable et la seule envisageable, dans le respect de l’humanité, serait le retour des corps sur place, dans le jardin des Jacobins, au milieu de leurs autres compagnons d'armes, restés sur place, et probablement aussi de certains membres de leur famille morts dans les mêmes circonstances dramatiques et enfouis, en même temps qu’eux, à la hâte sur le même site.
M. Jean-Claude Boulard, qui s'est par ailleurs exprimé sur le sujet en déclarant publiquement "on ne commémore pas une guerre civile", a proposé de rendre ces corps à ceux qui les réclameraient et notamment à leur famille. Il semble que quelques demandes aient été déposées dans ce sens. Souhaitons que la suite donnée à cet extraordinaire champ de fouille tienne compte aussi bien des exigences de l’histoire que du respect des morts.